Affaire des antennes-relais de Mazeyrat-d’Allier : le Conseil d’Etat a tranché… au détriment de l’éleveur et de son troupeau !

ÉDITORIAL ROBIN DES TOITS DU 18 AOÛT 2022



Le 17 août dernier, nous apprenions avec consternation (mais sans surprise) que le Conseil d’Etat, saisi par les opérateurs Orange, Bouygues, Free et SFR au sujet de l’antenne-relais implantée sur la propriété de Frédéric Salgues, éleveur à Mazeyrat d’Allier, en Haute Loire, avait statué dans le sens de leur demande en refusant que l’antenne soit débranchée.
Décidément, le Conseil d’Etat, plus haute instance juridique administrative, n’en finit pas de donner raison aux Autorités et à l’industrie, au grand dam de la société civile et des populations en souffrance.
Rappelons l’affaire de la propriété des compteurs électriques, qui appartiennent aux Collectivités territoriales, c’est-à-dire aux communes, depuis 1906. Ne nous en déplaise, le Conseil d’Etat, sollicité par Enedis et les pouvoirs publics en 2018, a décidé qu’au final, ils sont désormais propriété des syndicats départementaux d’énergie, dépossédant ainsi les communes d’un bien inaliénable.
Le 10 août, le Conseil d’Etat a encore tranché en faveur de Goliath contre David : les quatre opérateurs de téléphonie, appuyés par l’état, s’étaient pourvus en cassation contre la décision du tribunal administratif de Clermont-Ferrand d’exiger l’extinction – temporaire, il faut le préciser – de l’antenne 4G d’Orange incriminée. Et toujours les mêmes arguments fallacieux éculés, à savoir : Continuité des services numériques et appels d’urgence : c’est une plaisanterie, il y a une autre station radioélectrique à 2 km de celle dont il est question, donc foisonnement il y a et nous ne sommes pas dans un désert numérique ; La relation de cause à effet ne peut être établie scientifiquement : nous ne sommes pas dans des expériences cliniques randomisées, en double aveugle, chères à nos scientistes : nous sommes dans la vraie vie, en présence d’une « étude observationnelle » où l’on peut vérifier que l’activation d’une antenne 4G coïncide de manière quasi-immédiate avec des troubles graves au sein d’un troupeau. Le jugement du tribunal de Clermont-Ferrand allait précisément dans le sens d’une vérification on ne plus empirique : on arrête les émissions et on voit ce qui se passe. Or, nous voyons que, côté opérateurs (soutenus par l’état, of course), c’est la panique. Risquer une vérification ? Impossible. Cette décision du Conseil d’Etat ressemble fort à un aveu : si les émissions électromagnétiques ne sont pas nocives, alors pourquoi ne pas le démontrer en acceptant l’arrêt temporaire de l’antenne ?
Oui. Nous en sommes là. La science est invoquée pour contrer ceux qui osent prétendre que les antennes sont préjudiciables à la santé des animaux – et des humains - mais quand l’occasion objective est donnée de vérifier ce qu’il en est… c’est l’interdiction, donnée au plus haut sommet de l’Etat. Cherchez l’erreur.
Nous sommes encore et toujours dans les arguties classiques et récurrentes de la fabrique du déni et du doute, qui permettent à l’industrie du numérique de gagner du temps (et de l’argent), en s’appuyant sur une science falsifiée et dopée aux biais de protocoles.
En fait, nous assistons à l’avènement d’une logique inversée : ce ne sont pas les émissions électromagnétiques qui sont potentiellement nocives pour les êtres vivants, mais les êtres vivants qui sont dangereux pour la bonne marche de la téléphonie mobile. Ergo, que la vie se taise et que le monde-machine continue de fonctionner et de croître en toute tranquillité ! Nous sommes là dans ce que Hannah Arendt appelait « une logique de la déraison ». Jusques à quand ?
https://www.leparisien.fr/faits-divers/haute-loire-une-antenne-relais-soupconnee-de-tuer-les-vaches-dun-eleveur-finalement-conservee-17-08-2022-DPDYEGWM3BHS3DJT3BPZKUL3GA.php
https://www.robindestoits.org/Que-vienne-le-temps-des-demonte-machine%C2%A0_a3160.html

- Hannah Arendt, Le Système totalitaire

Francine Pierre, Patrice Goyaud pour Robin des Toits, le 18 août 2022

Mazeyrat Conseil d'état article définitif.pdf  (659.16 Ko)


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